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QUI JE SUIS
D’abord je suis comédien.
J’ai rêvé devant les grandes comédies musicales qui passaient sur ma télévision Noir et blanc quand j’étais petit.
Mon premier vrai choc ayant été le film « Chantons sous la Pluie ».
Parallèlement, dès 4 ans, j’ai découvert Annie Cordy à la télévision. Elle était à l’apogée de sa carrière dans les années soixante-dix. C’est une artiste complète dans la grande tradition du Music-Hall aux côté des Chevalier, Bourvil, Gabin, Judy Garland, Liza Minelli, Shirley Mc Laine qui sont tous des artistes que j’admire.
A la base j’aime le music-hall, le chant, la danse, le théâtre, le clown.
Le grand talent des artistes de Music Hall est leur capacité à recréer la magie des grands numéros avec nombreux danseurs, costumes, effets, tout seuls derrière un micro. Ils utilisent pour cela la rupture, les tours de passe passe, vous font rire puis pleurer en un claquement de doigt, se mettent à faire quelques pas de danse ou de claquettes un chapeau à la main, enfilent un nez rouge, font des galipettes: on est à Broadway. Par leur dextérité, ils peuvent, L’instant d’après, dire ou chanter un texte poignant.
Tout est contraste, diversité, humanité, intensité, paradoxe.
Ces cinq mots ont guidé mes choix aussi bien en tant qu’acteur que metteur en scène.

Je demandais à mon père de m’emmener voir Annie Cordy partout où elle passait, et à force d’arriver avec des bouquets de fleurs plus grands que moi, j’ai fini par me faire remarquer. Mon père a sympathisé avec son attaché de presse qui est devenu par la suite un grand attaché de presse de cinéma, et je l’ai rencontrée à l’Olympia en 79.

Quand en 1982 (j’avais 10 ans), elle a monté sa dernière création de comédie musicale au Théâtre de la Porte Saint Martin à Paris, son impresario a demandé à mes parents si je pouvais passer une audition pour le rôle d’un gamin. J’y suis allé. J’ai chanté « Singing in the rain » en français avec un petit parapluie rouge, et ils m’ont embauché. J’ai donc commencé comme cela. Le spectacle a tenu une saison et je jouais en alternance comme le veut la loi française.
J’ai donc pu réaliser un double rêve : celui de côtoyer mon idole dans le privé et dans l’univers professionnel, et de pouvoir jouer à ses côtés, découvrir cet univers fabuleux.
Cette expérience a été fondatrice en ce sens que j’ai pu appréhender toutes les facettes d’une création. J’arrivais le premier et partais le dernier car je voulais tout observer. Comme j’étais enfant, on me laissait entrer partout donc j’observais les costumières, les techniciens, les manipulations de décors, le régisseur plateau, les musiciens… bref tout ce que je pouvais emmagasiner. J’ai donc eu conscience très tôt que pour donner du rêve au public, il faut fournir du travail. Beaucoup de travail et j’ai compris que ca serait ma voie.
A l’âge de 15 ans, je suis venu à la mise en scène un peu par accident. Je suis parti en colonie dans un campus sportif. Je n’aimais pas le sport, mais j’avais repéré qu’il y avait un théâtre. Je suis allé voir le directeur pour lui proposer de mettre en scène un spectacle qui serait joué à la fin du séjour. Il a halluciné mais accepté. A ma grande surprise beaucoup ont voulu y participer et le succès a été au rendez-vous.
J’ai ensuite pris mes premiers cours de théâtre dans une troupe amateur dirigé par Marion Privat, où je suis resté pendant 4 ans. C’est vraiment là que j’ai découvert les textes : Tchekov, Molière, Quesneau, mais aussi deux expériences un peu moins textuelles : « Le Bal » de la troupe du Campagnol, et une adaptation théâtrale de « Et Vogue le Navire » de Fellini. Marion utilisait beaucoup de musique de films pour ses spectacles. Ca a trotté dans ma tête et la musique est aujourd’hui un élément déclencheur dans mon processus de création.
A 21 ans, je rentre à l’école du Passage de Niels Arestrup et je rencontre des professeurs venus de différentes cultures: François Clavier, Iege Bielge, un polonais, et Diana Ringel, uruguayenne qui fut pour moi une rencontre fondamentale même si j’en ai pris conscience bien plus tard. Elle avait été était formée par une allemande, Inxe Bayertal, danseuse immigrée en Uruguay pendant la seconde guerre mondiale et qui a fait partie du mouvement expressionniste allemand aux côtés de Kurt Joos.

Puis vint le temps de l’insertion professionnelle et la rencontre avec Ned Grujic, jeune metteur en scène passionné de la compagnie « Les Tréteaux de la Pleine Lune ». J’ai vu « La Nuit des Rois » une douzaine de fois!. Son travail représentait ce que j’avais envie de défendre : Un grand texte de Shakespeare, des comédiens qui jouent, chantent et dansent, un esprit de grande générosité et de partage avec le public et des images magnifiques, le tout accompagné par un petit orchestre.
J’ai suivi ses cours, son travail, on est devenu amis et il m’a engagé en 1999 pour la tournée de « Rhinocéros » de Ionesco en Italie.
C’était une version masquée, assez expressionniste dans son esthétique, avec chansons, claquettes, quelque chose du clown aussi.
J’avais la sensation d’être dans la cariole des comédiens de l’Illustre Théâtre de Molière du film d’ Ariane Mnouchkine! Enfin, je pouvais vivre de mon art!
Cette collaboration a duré douze ans autour d’un repertoire théâtral très diversifié : « Le Barbier de Séville », « Le Mariage de Figaro », « Roméo et Juliette »« Sa Majesté des Mouches » et des comédies musicales « Merlin », « Frankenstein Junior ».
Ned m’a révélé que j’étais un acteur de composition et il est vrai que j’ai toujours préféré les méchants, les personnages décalés, hauts en couleurs!

J’ai retravaillé avec Diana Ringel en 2013 en jouant dans son spectacle « Un instant de plus »: du théâtre dansé dans l’esprit de Pina Bausch. Puis trois pièces contemporaines de Elie-Georges Berreby : « L’Homme en Morceaux », pour lequel j’ai reçu le P’tits Molières du Meilleur seul en scène, « La Valse Algérienne » et « Jonas ».
Ce travail avec Diana a affiné le comédien que j’étais, m’a permis d’aller plus loin dans l’émotion, sans chercher à la « vendre » au public. Diana est une directrice d’acteur hors-pair. Elle vous débarrasse de tout ce que l’on peut avoir tendance à fabriquer sur un plateau, pour ne laisser que le corps et la respiration de l’acteur. C’est une liberté qui procure une sensation unique, celle de tenir les spectateurs dans votre main, et de les emmener où vous voulez.

COMMENT J’EN SUIS VENU A LA MISE EN SCENE

« Etre metteur en scène, c’est être l’artisan de son propre rêve » François Truffaut.

Les metteurs en scène m’ayant fortement influencé sont Ariane Mouchkine, Patrice Chéreau, Giorgio Sthreler, Robert Lepage, Declan Donnellan, Laurent Pelly, Joël Pommerat.

Mario Gonzales, en commedia Dell’arte, BT Mc Nicholl, assistant de Sam Mendes et Stephen Daldry avec qui j’ai pratiqué une méthode fascinante qui met l’action au centre du jeu, sont des pédagogues et qui m’ont beaucoup apporté tant humainement qu’artistiquement; sans oublier Caroline O’Connor, Nini dans « Moulin Rouge » (le Tango de Roxane c’est elle!), pour la comédie musicale.

Le cinéma a par ailleurs été une source d’inspiration majeure dans l’esthétique de mon travail de metteur en scène.
Au départ, il y a mon gout pour le clip vidéo et l’alliance entre image et musique.
La découverte de l’esthétique très forte de certains réalisateurs de clips ( David Fincher, Mark Romanek, Jean-Baptiste Mondino, Michel Gondry) ) ont attisé ma curiosité pour le cinéma.

J’ai eu l’opportunité de travailler au festival de Cannes pendant 5 ans. Je me suis retrouvé au milieu de cinéphiles patentés qui ont attisé ma curiosité. J’ai multiplié les séances, et ouvert la boîte de Pandore… Pendant plusieurs années j’ai littéralement plongé avec ferveur dans les oeuvres de Fritz Lang et tout le cinéma expressionniste, Fellini et les néo-réalistes italiens, Fassbinder, Ophuls, Truffaut et la nouvelle vague, Kubrick (Orange Mécanique et Barry Lyndon me fascinent encore aujourd’hui).

Le cinéma m’a conduit naturellement vers la peinture et la photographie.
J’ai développé une conscience de la force de l’image, et dans tout mon travail les éléments qui la composent, occupent une place centrale.

Je me suis intéressé et formé à l’écriture de scénario. Le plateau étant mon lieu de création, j’ai tout naturellement évolué vers la mise en scène.

J’ai commencé à donner des cours et à diriger des ateliers de création de spectacle dans une structure qui m’offrait la possibilité de travailler en résidence dans un espace théâtral. J’ai pu choisir les textes , la distribution, et créer les images qui ont forgé mon identité de metteur en scène, avec pour seule contrainte, luxueuse, d’avoir au moins huit interprètes au plateau.
Ca a été mon laboratoire. Dans ce contexte, j’ai monté plusieurs spectacles dont les plus emblématiques pour moi sont : Grand Peur et Misère du Troisième Reich de Brecht, L’Eveil du Printemps de Wedekind, Le Conte d’Hiver, de Shakespeare, Talking Heads de Alan Bennett, La Trilogie des Dragons de Robert Lepage, La Réunification des deux Corées de Joël Pommerat, Forêts de Wajdi Mouawad.

Tout commence par l’émotion que je ressens dès la première lecture du texte : Les mots, La force des enjeux, le thème abordé et de fait, les images et l’univers sonore qu’il m’évoque.
Je cherche des références picturales, des associations avec des films, des tableaux, des photos, des musiques, des sons.
Pour moi tout est question de lignes, de couleurs, de matière, d’ambiance lumineuse.
Je démarre toujours le travail avec une idée précise du rendu que je souhaite obtenir et de ma lecture personnelle de la pièce.

Une bonne distribution c’est une des responsabilités majeures du metteur en scène.
J’ai à la fois un besoin de fidélité avec des acteurs que je connais très bien et que je peux avoir envie d’ emmener hors de leur zones de confort : en les distribuant dans des personnages qui peuvent leur sembler loin de leurs emplois habituels , mais aussi en les confrontant à de nouvelles recrues de manière à renouveler les énergies et « rebattre les cartes ».